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Si les nouvelles règles canadiennes sur l’aide à mourir existaient il y a dix ans, je serais mort

November 29, 2022 | Auteure: Andrew Lawton   |   Le volume: 29    Le numéro: 48   |   Share: Gab | Facebook | Twitter   

Dans quatre mois, à moins d’un miracle politique, les Canadiens aux prises avec une maladie mentale seront admissibles à l’aide médicale à mourir.

Il s’agit de l’élargissement de l’accès le plus brutal et le plus dangereux depuis que le Canada a légalisé le suicide assisté en 2016. Les patients devaient faire face à une mort naturelle «raisonnablement prévisible» pour être éligibles. Cette exigence a été éliminée par le projet de loi C-7 en mars 2021.

Des survivants et des experts ont exhorté les libéraux à exclure les personnes souffrant uniquement de maladies mentales, mais le gouvernement n’a pas bougé. Leur seule concession était de le reporter avec une clause de temporisation de deux ans, qui expire en mars prochain.

Ce problème m’est personnel. Si cette forme d’aide médicale à mourir avait existé en 2010, je suis convaincu que je serais mort en ce moment.

J’avais 21 ans. Malgré quelques problèmes médicaux inattendus en 2009, j’étais généralement en bonne santé (physiquement, c’est-à-dire). J’avais un toit au-dessus de ma tête. J’avais une famille aimante. J’avais des rêves.

Mais j’étais déprimé. Je prenais des décisions imprudentes. Je devenais de plus en plus convaincu que je ferais mieux de mourir. Ce n’était pas une conclusion sensée, mais je sentais que c’était la bonne et j’étais assez doué pour la rationaliser.

En décembre 2010, j’ai fait une surdose d’un cocktail de médicaments sur ordonnance pour mettre fin à mes jours. J’avais essayé auparavant, mais je n’ai jamais été aussi près de réussir que cette fois.

J’ai passé des semaines à l’hôpital, dont certaines dans un coma artificiel. J’ai fait plusieurs arrêts cardiaques. On a dit à mes parents de me dire au revoir.

Ma tentative de suicide n’était pas un choix à célébrer. C’était le visage hideux d’une maladie mentale dévastatrice.

Grâce à Dieu et à une équipe qualifiée et dévouée de médecins et d’infirmières, j’ai survécu. C’est écœurant de penser que le système de santé qui m’a sauvé la vie en 2010 pourrait, en 2023, m’aider à mettre fin à mes jours à la place.

Quand j’ai décidé comment je voulais aller, je savais que je ne voulais pas que les membres de ma famille tombent sur mon corps. Je ne voulais rien qui laisserait un gâchis. Je ne voulais pas non plus être coincé avec une grave défiguration si j’échouais.

L’option offerte par le gouvernement – une mort propre avec un taux de réussite de 100 % – aurait été séduisante. Même si quelqu’un ne passe pas par les voies officielles pour mettre fin à ses jours, le gouvernement envoie un signal aux personnes atteintes de maladie mentale que le suicide doit être sanctionné et non arrêté.

En vertu des changements C-7, quelqu’un dans ma situation devrait se soumettre à une évaluation de 90 jours comprenant plusieurs visites. Ils devraient être « informés des moyens disponibles pour soulager leurs souffrances, y compris, le cas échéant, des services de conseil, des services de soutien en santé mentale et handicap, des services communautaires et des soins palliatifs. »

Déjà, les gens demandent le suicide assisté depuis un lieu de désespoir. Le mois dernier, un homme de St. Catharines dans l’Ontario a fait une demande de suicide assisté parce qu’il ne pouvait pas trouver de soutien social pour l’aider à vivre confortablement. Plus tôt cette année, une Ontarienne est décédée avec de l’aide après une recherche infructueuse d’un logement abordable.

Rien dans le projet de loi C-7 n’exige qu’une personne ait épuisé toutes les autres possibilités de soutien pour obtenir une aide à mourir. Même si c’était le cas, j’aurais eu un dossier solide.

Contrairement à tant d’autres, j’avais eu la chance de trouver du soutien. J’avais essayé différents antidépresseurs. J’avais vu de nombreux thérapeutes. Je voyais régulièrement un psychiatre jusqu’à peu de temps avant ma tentative de suicide (à peine une approbation retentissante pour lui, je me rends compte).

J’avais renoncé. J’étais convaincu que rien ne fonctionnerait. Pour utiliser le langage des lois canadiennes sur l’aide à mourir, mon état semblait grave et irrémédiable.

Aussi désordonnée que fût ma pensée, j’aurais pu en vendre un médecin. J’aurais pu faire ce qui ressemblait à un cas de suicide réfléchi et rationnel parce que je construisais un tel cas dans ma propre tête tous les jours.

Lorsque l’aide à mourir a été légalisée au Canada, elle a été vendue comme une fin à la souffrance lorsque la guérison était impossible. Pour les patients atteints de maladies dégénératives telles que la sclérose en plaques ou la SLA, c’est sans aucun doute le cas. Une telle certitude n’existe souvent pas avec la maladie mentale.

Ma vie aujourd’hui est la preuve vivante que j’avais des raisons d’espérer dans ces périodes sombres. Le discours sur Internet étant ce qu’il est, j’hésite à demander si le monde irait mieux si je n’étais pas là aujourd’hui, mais je suis heureux d’être.

Maintenant, imaginez que j’ai vécu cela non pas en 2010, mais en 2023. Le suicide ne serait plus quelque chose dont l’État pourrait me protéger, mais quelque chose que l’État faciliterait. Les appels des proches à reconsidérer seraient accueillis par un système leur disant de s’écraser, parce que c’est mon choix. Et cela, si les membres de la famille savaient même.

J’ai caché mes sentiments suicidaires à tout le monde parce que je ne voulais pas être arrêté. Il est particulièrement écœurant de savoir que quelqu’un pourrait traverser ce processus à l’insu de ses proches.

Les membres de la famille n’ont aucun droit légal d’intervenir et ne peuvent même pas être avertis à moins que le patient ne leur dise.

Il ne s’agit pas de soins de santé. Ce n’est pas la mort dans la dignité. C’est renoncer à ceux qui souffrent.

Les psychiatres ont depuis longtemps le pouvoir d’institutionnaliser les personnes qui envisagent de se faire du mal. Après ma tentative de suicide, j’ai dû passer du temps dans un service psychiatrique. J’y suis resté volontairement mais on m’a dit que si je voulais partir, j’y serais retenu involontairement.

Si je disais à un médecin en 2010 que je voulais me suicider, je serais institutionnalisé. Si j’avais la même conversation l’année prochaine, je serais référé à quelqu’un qui pourrait m’aider à le faire.

Reproduit avec permission.



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